Le signal est clair : on va augmenter la capacité de transport du pétrole par pipelines au Canada de 30 %, de plus d’un million de barils par jour, ce qui va permettre à l’industrie de poursuivre son développement pour augmenter sa production de pétrole issue des sables bitumineux.
Justin Trudeau cadre cette décision dans la transition énergétique en cours. Il a partiellement raison ici. Nous avons besoin de pétrole et c’est pourquoi nous en produisons, nous en achetons, nous en consommons. Mais soyons clairs : la décision annoncée mardi n’a rien à voir avec les besoins des Canadiens ou avec une quelconque transition. C’est un choix purement industriel en totale contradiction avec les impératifs environnementaux.
On produit plus qu’on ne consomme!
D’abord, les Canadiens consomment environ 2,5 millions de barils de pétrole par jour. La production actuelle de l’industrie au pays est de 3,9 millions de barils par jour. Avec l’inversion de la canalisation 9B, le Québec consomme maintenant majoritairement du pétrole américain et canadien. La part du pétrole algérien notamment est tombée sous les 10 % au Québec.
De plus, la capacité de transport des pipelines au Canada est de 4 millions de barils par jour, ce qui s’ajoute aux 140 000 barils par jour déplacés par trains. La capacité de transport dépasse légèrement la production, mais la capacité d’exportations demeure faible.
Ensuite, il faut se demander où et quand commence la transition énergétique. À quel moment se dit-on qu’il faut commencer à réduire la production de pétrole pour la remplacer par davantage d’énergies renouvelables? Pourquoi le gouvernement du Canada ne fait-il pas le choix de plafonner sa production de pétrole?
En approuvant de nouveaux projets de pipelines, l’industrie verra un avantage réel à augmenter sa production, en la faisant passer de 3,9 millions de barils par jour à plus de 5 millions, puis à plus de 6 millions de barils par jour en 2040.
Avec l’approbation possible de Keystone XL par la future administration Trump vers le sud des États-Unis et avec le projet Énergie Est de TransCanada, qui pourrait peut-être se réaliser un jour, de beaux jours s’annoncent pour l’industrie pétrolière canadienne. Après une croissance de 160 % en 35 ans, l’industrie pétrolière pourrait augmenter encore sa production de 55 % au cours des 25 prochaines années, selon les estimations.
Le PIB et les emplois avant l’environnement
On ne cesse de repousser les échéanciers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tous les experts s’entendent pour dire que le Canada ne sera pas capable de respecter ses engagements pour 2030. Et, de plus en plus, le discours du gouvernement s’articule autour de 2050. On pousse la neige chez les voisins, on cache la poussière sous le tapis, on remet les choix importants aux calendes grecques, sortez toutes les expressions que vous voulez, nous sommes engagés dans une sorte de procrastination énergético-environnementale.
Il faut bien comprendre que la décision de Justin Trudeau est une grande avancée pour l’industrie pétrolière canadienne avec l’ajout de plus de 30 % de capacité de transport par pipelines. À terme, cette décision pourrait faire grimper le prix du baril de pétrole au Canada, dont la valeur est amoindrie par les faibles capacités d’exportations du pays.
Des milliers de kilomètres de plus en pipelines permettront aussi à l’industrie d’éviter une hausse des coûts de transport qui aurait été engendrée par une utilisation plus grande du transport ferroviaire. Il ne faut pas se leurrer, avec ou sans pipeline, le transport du pétrole par trains est appelé à augmenter. Mais les oléoducs devraient permettre de ralentir cette croissance.
Au chapitre de l’environnement, le Canada a décidé d’arrêter la production de charbon d’ici 2030 et de tarifer le carbone au pays. Ce sont des mesures qui devraient permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’avoir des répercussions économiques positives à long terme. Mais ces efforts pourraient être contrecarrés par la hausse de la production de pétrole qui, elle, devrait stimuler l’économie à court terme, mais lui nuire à long terme compte tenu du niveau élevé de pollution engendrée par l’exploitation des sables bitumineux et les ravages que cause le réchauffement climatique.
Aux États-Unis, sous la présidence de Barack Obama, la production de pétrole a doublé. Les Américains s’approchent de l’autonomie énergétique avec le développement du pétrole et du gaz de schiste. En même temps, Washington a investi massivement dans les énergies renouvelables, ce qui fait en sorte que les énergies éolienne et solaire sont celles qui fournissent les plus fortes augmentations de capacité de production électrique aujourd’hui aux États-Unis.
N’empêche, la forte croissance de la production de pétrole aux États-Unis et l’approbation de nouveaux pipelines au Canada nous obligent à conclure qu’il est difficile, aujourd’hui, de reprocher à Donald Trump de vouloir mettre en place un programme énergétique qui sera dommageable pour l’environnement. Est-ce qu’on fait vraiment mieux?