Séisme au Japon : les leçons de Fukushima n’ont pas été tirées

Réveillés mardi matin par un violent tremblement de terre dans le nord-est du Japon, des millions d’habitants de l’archipel ont un instant eu peur de revivre le drame du 11 mars 2011, surtout quand les sirènes ont retenti et que les médias ont annoncé un risque de tsunami d’une hauteur de trois mètres sur la côte de Fukushima.

La chaîne publique NHK a immédiatement interrompu ses programmes pour consacrer l’intégralité de son antenne aux informations relatives au séisme de magnitude 7,4 selon l’agence de météorologie japonaise. Une cellule de crise a été ouverte par le gouvernement immédiatement après, le Premier ministre Shinzo Abe, en déplacement en Argentine, est vite apparu sur les écrans de télé pour assurer que les choses allaient être promptement prises en main si la situation devait s’aggraver. Les exploitants des installations nucléaires, Tokyo Electric Power (Tepco) en tête, ont très vite donner des indications sur les conséquences dans les installations nucléaires.

Par comparaison avec ce qui s’était produit il y a 5 ans et demi, un tsunami géant et une catastrophe atomique, la réaction de tous, y compris de l’Autorité de régulation nucléaire, a été rapide. Pour autant, toutes les leçons du drame de Fukushima ont-elles été tirées ? À l’évidence non, car la prise de parole immédiate des uns et des autres ne signifie pas que les informations données sont nécessairement pertinentes.

Des installations qui ne sont pas aux normes

L’autorité nucléaire, par exemple, se borne à retransmettre ce que lui disent Tepco et les autres, elle n’a personne sur place pour aller vérifier. Quant au porte-parole du gouvernement, alors même qu’un tsunami de 3 mètres était redouté à Fukushima, il répétait aux journalistes que « les normes de sûreté désormais en vigueur dans les centrales nucléaires du Japon sont les plus sévères du monde », une affirmation unilatérale que les instances internationales compétentes se gardent bien d’accréditer.

Dans le cas présent, les centrales de Fukushima (Daiichi, ravagée, et Daini, un peu moins affectée) ne répondent en rien à ces normes établies après le désastre de mars 2011. Ces installations sont en outre fragilisées au point que nul ne peut prédire ce qui pourrait se passer si un nouveau tsunami de l’ampleur de celui d’il y a cinq ans venait à les heurter : même le directeur du site a admis, il y a longtemps déjà, que le pire qui pourrait arriver serait justement un nouveau tsunami.

Des propos rassurants… qui inquiètent

Mardi, une pompe du système de refroidissement d’un bassin de stockage de combustible usé de Fukushima Daini s’est arrêtée du fait de mouvements telluriques qui ont dépassé les critères de poursuite du fonctionnement normal. « Il y a vraiment de quoi s’inquiéter de constater une interruption avec le séisme de ce matin qui n’était pas d’une force tellement impressionnante au niveau de la centrale, puisqu’elle est censée encaisser bien plus sans dommages », a réagi par téléphone Shaun Burnie, expert nucléaire de l’organisation écologiste Greenpeace. Certes, le rétablissement a été rapide, mais la façon rassurante dont Tepco a présenté l’incident rappelle étrangement la teneur des propos tenus en permanence en 2011, sans que personne n’ait les moyens d’en contrôler la véracité.

En outre, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a récemment souligné que l’Autorité de régulation japonaise, certes moins inféodée au gouvernement que ne l’était la précédente instance en activité en 2011, manquait clairement de compétences techniques. Quand elle publie sur son site internet, désormais assez vite, les premiers éléments sur les conséquences de séismes, typhons ou autres problèmes sur les installations nucléaires, elle ne fait, en fait, que rediffuser les données que lui transmettent les opérateurs.

Par ailleurs, de nouveaux risques existent depuis le drame de Fukushima : des millions de sacs emplis de terre et de feuilles contaminées par des substances radioactives sont entassés dans les régions affectées, parfois à seulement quelques centaines de mètres de la mer, sur des terrains plats, à la merci de la première déferlante venue.

Éviter la panique sans sous-estimer le risque

Enfin, les citoyens eux-mêmes n’ont pas nécessairement tiré toutes les leçons de 2011. Les ordres d’évacuation sont en grande partie respectés dans le cas d’un important risque de tsunami, mais les « recommandations de partir » (niveau inférieur), elles, sont souvent ignorées. Or, on sait que les autorités tardent parfois à donner un ordre, se contentant dans un premier temps de conseiller de se réfugier dans des espaces dédiés en théorie inaccessibles par un raz-de-marée. Et quand l’ordre arrive, il est parfois trop tard. De plus, même si les médias et les forces de l’ordre ne cessaient mardi matin de répéter de ne pas approcher de la mer ni des cours d’eau, il se trouvait des curieux pour aller regarder le long du littoral, ce que soulignait avec un certain agacement un journaliste de la chaîne publique NHK.

L’une des plus grandes difficultés pour gérer ce genre de crise est d’éviter la panique tout en alarmant suffisamment la population pour qu’elle ne se mette pas en danger. Pour l’agence de météo chargée de prédire la hauteur d’un tsunami, le défi est grand, car si elle donne une évaluation de 3 mètres et que la vague ne fait que 50 centimètres, elle se décrédibilise et, la fois suivante, les habitants des zones concernées auront tendance à négliger ses avertissements. Et si elle calcule au plus juste, son évaluation risque d’être dépassée et, le cas échéant, sa responsabilité fortement engagée.

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