Le très conservateur François Fillon, ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, part grand favori pour le second tour de la primaire de la droite et sa percée inattendue au premier tour montre que tout reste ouvert pour la présidentielle de 2017 en France.
La campagne a repris tambour battant lundi, son rival l’ancien premier ministre Alain Juppé, 71 ans, donné favori pendant des mois, cherchant à attaquer M. Fillon, 62 ans, sur la crédibilité de son programme pour combler un sévère retard.
Longtemps distancé dans les sondages, M. Fillon, au profil austère et effacé, a réuni dimanche à la surprise générale 44% des voix, contre moins de 29% pour l’ex-premier ministre de Jacques Chirac de 1995 à 1997.
Porteur d’un programme très libéral, il a aussi infligé une défaite cinglante à Nicolas Sarkozy, arrivé troisième avec un peu plus de 20% des voix, dont il fut le fidèle chef de gouvernement de 2007 à 2012.
La gauche, en plein marasme, voit de son côté surgir un défi inattendu. Mais selon un conseiller à l’Élysée, Bernard Poignant, la percée de Fillon «n’est pas une si mauvaise nouvelle pour le président qui retrouve sur son chemin un candidat de la droite classique des années 80 (…) libéral sur le plan économique, mais traditionaliste et conservateur sur les questions de société».
«Ce programme est un chiffon rouge pour les électeurs de gauche», estime ce proche de François Hollande, qui a atteint des tréfonds d’impopularité et dira s’il se représente d’ici mi-décembre.
Aujourd’hui les sondages donnent la gauche au pouvoir éliminée dès le premier tour de la présidentielle en avril. Le second tour, en mai, serait alors un duel entre le champion de la droite et la dirigeante de l’extrême droite Marine Le Pen.
À moins que les électeurs français ne les fassent mentir, comme avant eux les électeurs américains ou britanniques qui ont porté le milliardaire populiste Donald Trump à la Maison-Blanche ou voté pour le Brexit.
«L’acte I de la présidentielle s’ouvre dans un climat d’électricité et de passion, du rejet des sortants et d’une envie irrépressible de déjouer les scénarios écrits d’avance», résumait lundi le quotidien économique Les Échos.
Alain Juppé, qui s’est positionné au centre-droit, a promis un «combat projet contre projet» avec François Fillon — qu’il affrontera lors d’un ultime débat télévisé jeudi soir.
«On a cinq jours pour renverser la vapeur, c’est faisable à condition d’y mettre beaucoup d’énergie», a expliqué son entourage à l’AFP.
«Pendant trois mois, François Fillon a été un peu à l’abri, personne ne l’a attaqué (…)», ajoute-t-on de même source. «Les gens sont capables de changer de vote en 24 heures», jugeait un élu centriste.
François Fillon qui n’a jamais caché son admiration pour la dame de Fer britannique Margaret Thacher, promet notamment la suppression d’un demi-million de postes de fonctionnaires, l’augmentation du temps de travail ou encore le resserrement des aides sociales.
Le syndicat Force Ouvrière a exprimé son «inquiétude» sur une «logique très très libérale».
C’est un programme «qu’il ne pourra pas tenir», a fustigé lundi un soutien d’Alain Juppé, l’ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui juge irréaliste de mener un quinquennat «sans recruter de fonctionnaires» notamment dans les hôpitaux, la gendarmerie ou la police.
Mais François Fillon, catholique issu de la France provinciale, père de cinq enfants, a su, sur les sujets de société, «s’installer sur les thèmes « conservateurs » qui ont le vent en poupe», analyse le quotidien conservateur Le Figaro.
Il a pris position pour la déchéance de nationalité des Français partis faire le jihad, pour des quotas annuels d’immigrés et supprimer le droit à l’adoption plénière pour les couples homosexuels.
Il souhaite élargir la coalition internationale contre le groupe État islamique et préconise une relation révisée avec la Russie, que l’Occident se doit de traiter «comme ce qu’elle est, c’est-à-dire un grand pays».
Un soutien de M. Juppé, le député Hervé Mariton, s’est dit lundi «inquiet» de «la proximité avec Poutine» de François Fillon.
Ses adversaires estiment que son succès inattendu est plus lié à sa personne qu’à son programme. Il bénéficie d’une image d’honnêteté, n’ayant jamais été impliqué dans des affaires judiciaires contrairement à ses deux principaux concurrents du premier tour.
À l’extrême droite, le Front national dénonce, lui, le «projet économique délirant» du potentiel futur champion de la droite.