Panama Papers : des médias boycottent la visite de Valls à Alger

Manuel Valls entame samedi en fin de journée un voyage officiel de 24 heures en Algérie, marqué par un mouvement de boycott de médias français protestant contre le refus d’Alger d’accréditer, par mesure de rétorsion, des journalistes du Monde et du Petit Journal de Canal+. Fait rarissime : les radios publiques France Culture et France Inter, ainsi que les quotidiens Libération et Le Figaro ont annoncé vendredi soir qu’ils ne couvriraient pas la visite du Premier ministre français et d’une dizaine de ses ministres auprès de l’exécutif algérien pour un « comité de haut niveau » qui dure jusqu’à dimanche soir.

Les quatre rédactions protestent contre la décision des autorités algériennes de ne pas accréditer un journaliste du Monde, pour sa couverture de l’affaire des Panama Papers et une équipe du Petit Journal, l’émission satirique de Canal+ qui ironise régulièrement sur l’état de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika. Ces refus de visas sont tout aussi rarissimes dans le cadre de voyages officiels.

La colère du pouvoir algérien contre Le Monde remonte à mardi, lorsque le quotidien du soir a publié en une une photo de Bouteflika parmi les dirigeants mis en cause, avant de se raviser en précisant que le nom du chef de l’État algérien « n’apparaît pas dans les Panama Papers ». Dans la foulée mercredi, le ministère algérien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France pour lui faire part de son mécontentement face à une « campagne hostile » à l’Algérie menée, selon lui, dans les médias français.

Poussée de fièvre diplomatico-médiatique

C’est ce même jour que les autorités françaises ont été informées de l’intention d’Alger de ne pas accorder de visas à deux médias sur la vingtaine accrédités pour ce déplacement du gouvernement français. Manuel Valls, a fait savoir Matignon, a téléphoné à son homologue algérien Abdelmalek Sellal pour tenter d’obtenir la levée de la sanction, mais sans succès.

« Il a plaidé [pour] que l’ensemble de la délégation de presse qui accompagne le Premier ministre puisse bénéficier de l’autorisation de rentrer » en Algérie, selon son entourage. Même s’il s’agit d’une « décision de souveraineté » d’Alger, Manuel Valls a souligné que celle-ci pourrait avoir des « effets contre-productifs sur la réaction des médias français ». L’Association de la presse ministérielle s’est « indignée » dans un communiqué et a « demandé instamment aux autorités algériennes de réviser leur jugement contraire aux principes d’une presse libre et indépendante ».

Cette poussée de fièvre diplomatico-médiatique intervient alors que la relation bilatérale, souvent tumultueuse, traverse une phase d’apaisement depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, même si des divergences s’étaient créées lors de la visite du chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault fin mars.

Accords économiques

L’affaire pourrait faire passer au deuxième plan des accords économiques que Matignon espère voir finalisés au cours du week-end, avec un forum d’affaires dimanche. En premier lieu un accord pour l’implantation d’une usine PSA à Oran, la deuxième ville du pays, afin de desservir le marché local, qui suivrait un mouvement similaire de son compatriote Renault. L’extension d’une usine de tramways du français Alstom, ouverte l’an dernier, est également en cours de négociation, indique-t-on à Paris, de même qu’un accord pour l’ouverture d’une usine Air Liquide.

Outre plusieurs rencontres entre les différents ministres – dont MM. Valls et Sellal qui doivent tenir une conférence de presse -, la visite devrait également donner lieu à une rencontre entre le Premier ministre français et Abdelaziz Bouteflika. Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron doit, lui, rencontrer l’influent ministre de l’Industrie algérien Abdeslam Bouchouareb, qui fait lui bien partie des personnalités mises en cause dans le scandale des Panama Papers. Selon les révélations du Monde, ce dernier a détenu une société établie au Panama, Royal Arrival Corp, créée en avril 2015 à travers les services d’une société de domiciliation d’entreprises offshore. Elle avait pour mission « la gestion d’un portefeuille de valeurs immobilières d’un montant de 700 000 euros, détenu actuellement à titre personnel » par le ministre, selon le quotidien. Pour sa défense, une société de gestion luxembourgeoise a affirmé que cette structure n’avait jamais été « active ».

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