L’ère Trudeau : au-delà de l’image…

Nous voici donc arrivés à la seconde «ère Trudeau» de l’histoire moderne du Canada. Qui l’eût cru?

Assermenté au poste de premier ministre trois décennies après la démission de son père Pierre Elliott Trudeau, Justin Trudeau présentait ce matin son premier conseil des ministres.

Succédant à près de dix ans d’un régime Harper ultraconservateur, autoritaire, antiscience et pâssé maître dans l’art de plus en plus prisé du «wedge politics» – politique de la polarisation -, le retour au pouvoir des libéraux sous leur jeune chef de 43 ans marquera-t-il le début d’un temps nouveau?

Une chose est sûre : jusqu’à maintenant, autant dans la forme que sur le fond, le nouveau gouvernement Trudeau se dessine déjà comme se voulant être tout, ou presque, ce que le gouvernement Harper n’était pas.

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L’image

Sur la forme, il y a bien sûr l’image.

Une image bien entendu sciemment projetée et savemment mise en scène de la jeunesse, du renouveau, de la prise du pouvoir par une «nouvelle génération».

L’image d’un jeune premier ministre et de sa jeune famille, dont les médias internationaux sont déjà particulièrement friands. Un premier ministre qui, soit dit en passant, est ni avocat, ni économiste, ni médecin, ni intellectuel.

L’image aussi d’une «équipe».

Tout d’abord, celle de son entourage immédiat. Sa chef de cabinet, Kate Purchase et son principal conseiller, Gerald Butts, étant eux aussi de cette nouvelle génération. On sait par contre que la vieille garde, l’establishment libéral de l’alternance «naturelle» au pouvoir – y compris les Jean Chrétien et Eddy Goldenberg -, veillent aussi discrètement au grain…

Ensuite, son conseil des ministres.

Alors que Stephen Harper régnait seul, ou presque, l’assermentation du premier cabinet Trudeau lançait le message inverse.

Son choix de trente ministres comprenant autant des novices que des quasi vieux routiers du pouvoir signale surtout que Justin Trudeau entend leur laisser une initiative et une visibilité nettement plus marquées.

Il y aussi l’image d’un premier ministre plus accessible, en personne, aux citoyens.

La facture résolument moderne de tout ce qui a précédé la cérémonie d’assermentation – présence d’écrans géants à l’extérieur, citoyens invités à visionner la cérémonie, présence importante d’enfants et l’arrivée du cabinet, elle-même se faisant en groupe, à l’extérieur et à pied. Il y avait en effet quelque chose de moins solennel et de quasi plus «joyeux» à toute la mise en scène de l’événement. Y compris pour le point de presse du premier ministre, tenu à l’extérieur et entouré de son cabinet.

Au-delà de l’image d’une nouvelle dynastie politique qui s’installe à Ottawa, il y a donc, du moins pour le moment, une volonté nette d’accessibilité.

Et puis, bien sûr, il y a l’image d’un premier ministre aussi nettement, nettement plus accessible aux médias par opposé à un Stephen Harper allergique aux médias dits «nationaux» et aux méchants «gauchistes» qui semblaient l’obséder.

Bref, après le régime Harper, l’image projetée du nouveau régime Trudeau marque déjà le pas d’une rupture majeure.

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Au-delà du «marketing»

Bref, il y a l’inévitable «marketing» de tout nouveau premier ministre. Cela dit, la rupture par rapport au régime Harper est telle qu’elle se réflétera aussi nécessairement sur le fond des choses.

L’important sera de mesurer, au fil du temps, jusqu’où la substance suivra la forme. C’est-à-dire, si la gouvernance elle-même suit le rythme de nouveauté imprimé par ces images très fortes.

En d’autres termes, si le «vrai» changement sera aussi marqué qu’il promettait de l’être. À ce chapitre, les attentes sont immenses.

On sait déjà qu’il sera important, entre autres, sur les questions économiques – le nouveau gouvernement ayant reçu la commande de son chef de tourner le dos à l’austérité budgétaire pour mieux favoriser la relance économique.

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Le conseil des ministres

Justin Trudeau a donc nommé trente ministres avec parité hommes-femmes. Lorsqu’une journaliste lui a demandé pourquoi la parité lui était aussi importante, sa réponse en anglais marquait également le pas: «parce que nous sommes en 2015!»

Sans surprise, l’Ontario hérite de la part du lion avec 11 postes, dont le ministère des Finances sous la direction de William Morneau. Comme je l’ai déjà écrit,  le pouvoir financier et politique qui, sous Harper, avait glissé vers l’Alberta, revient vers l’Ontario et Bay Street sous les libéraux.

Le Québec obtient quant à lui 6 ministres. Stéphane Dion est nommé aux Affaires étrangères. Jean-Yves Duclos, à la Famille et au Développement social. Marie-Claude Bibeau, au Développement international et la Francophonie. Mélanie Joly, au Patrimoine canadien. Marc Garneau, au Transports. Diane Lebouthillier, à l’Agence du Revenu du Canada.

Nul besoin de préciser que les rapports avec le gouvernement Couillard ne porteront aucunement sur une «question nationale» mise de côté en chœur par les deux hommes. Mise de côté, en fait, depuis le dernier référendum.

Nul besoin d’ajouter non plus qu’à l’opposition, les dix élus du Bloc québécois n’auront pas droit quant à eux au statut de parti officiel ni aux ressources qui l’aurait accompagné.

Au-delà de l’image, le nouveau premier ministre s’est néanmoins gardé la responsabilité des Affaires intergouvernementales. Autre rupture majeure de ton et de forme, ce choix annonce des rapports plus fréquents et plus soutenus avec les gouvernements provinciaux à l’opposé, il va sans dire, d’un Stephen Harper qui semblait considérer ses homologues comme des interlocuteurs sans importance.

L’assiette du nouveau gouvernement sera remplie rapidement par plusieurs «défis» majeurs. Au Canada et à l’international où l’«image» même du Canada en a pris pour son rhume sous Stephen Harper.

Voir ici et ici.

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Et vous?

Quelles sont vos attentes? Vos priorités? Vos espoirs ou au contraire, vos doutes?

 

 

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