Le pape et le patriarche orthodoxe russe scellent un rapprochement historique

Après un face-à-face sans précédent empreint d’émotion, les dirigeants de l’Église catholique et de la principale Église orthodoxe ont regretté dans une déclaration commune «les blessures causées par des conflits d’un passé lointain ou récent» entre chrétiens.

«Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, nous espérons que notre rencontre contribue au rétablissement de cette unité voulue par Dieu», ont-ils souligné dans cette déclaration signée au terme d’une rencontre de deux heures dans un petit salon de l’aéroport de La Havane.

Avec cet entretien sans précédent depuis le schisme de 1054 entre Églises d’Orient et d’Occident en 1054, «l’unité est sur le bon chemin. Nous avons échangé avec clarté et sans tabous», a commenté devant la presse Jorge Bergoglio, peu avant de repartir vers le Mexique, où il était attendu pour une visite de cinq jours.

«Les deux Églises peuvent coopérer pour protéger les chrétiens dans le monde entier», avait précédemment estimé Kirill, 69 ans.

Comme attendu, les deux hommes ont aussi exhorté les politiques à intervenir en faveur des chrétiens d’Orient, victimes de la guerre en Syrie et de l’expansion du groupe Etat islamique dans la région.

«Nous appelons la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l’éviction des chrétiens du Proche-Orient (…) En Syrie et en Irak, la violence a déjà emporté des milliers de vies, laissant des millions de gens sans abri ni ressources», indique le texte conjoint.

«Une aide humanitaire à grande échelle est indispensable aux populations souffrantes et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins», ont encore estimé les deux chefs religieux.

L’entretien avait commencé par une accolade et des embrassades entre le pape et le patriarche russe à barbe blanche coiffé d’un «koukol», la traditionnelle coiffe blanche arrondie surmontée d’une croix.

«Nous sommes frères»

Depuis 1964, de nombreuses rencontres avaient déjà eu lieu entre un pape et le patriarche de Constantinople, théoriquement chef spirituel du monde orthodoxe, mais qui n’a d’autorité directe que sur 3,5 millions de fidèles.

En revanche, les chefs des Églises de Rome et de Moscou (plus de 130 millions des 250 millions d’orthodoxes) ne s’étaient pas rencontrés depuis près de 1 000 ans.

«Enfin, nous nous voyons!», a lancé le pape François à son interlocuteur, en répétant plusieurs fois: «nous sommes frères».

«Il est très clair que ceci est la volonté de Dieu», a ajouté Jorge Bergoglio, après que Kirill eut observé: «maintenant les choses sont plus claires» entre les deux Églises.

Lors de cette entrevue, ils ont également abordé la question de l’Église gréco-catholique uniate. Présente dans l’ouest nationaliste de l’Ukraine et en conflit avec Moscou, cette Église fait l’objet de frictions entre Rome et Moscou.

«Orthodoxes et gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier et de trouver des formes de coexistence mutuellement acceptables», ont indiqué les deux hommes dans leur déclaration

Reconnaissant que «la méthode de l’uniatisme du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Église, n’est pas un moyen pour recouvrir l’unité», Kirill et François ont reconnu aux uniates «le droit d’exister et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles».

Enfin, les dirigeants des deux Eglises ont rappelé leurs concordances de vue sur des thèmes tels que la famille, le mariage, l’avortement ou l’euthanasie, et ont réaffirmé leur attachement aux «racines chrétiennes» de l’Europe.

Cuba est la première étape du périple latino-américain de 11 jours de Kirill qui doit le mener au Paraguay puis au Brésil.

Le souverain pontife est quant à lui attendu à 19 h 30 heure locale à Mexico, où il devrait être accueilli par des centaines de milliers de fidèles sur les 18 km du trajet entre l’aéroport et la nonciature.

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