Justin Trudeau «enfirouapé» par Obama

Le Canada s’apprête à envoyer un contingent militaire en Afrique. L’objectif n’est pas la protection des populations civiles, mais d’assurer la sécurité des sites miniers des entreprises canadiennes, dont les investissements sont parmi les plus importants dans cette région du monde. « Les minières canadiennes, attirées en Afrique de l’Ouest par la faiblesse des redevances et des gouvernements complaisants, doivent maintenant faire face à un nouveau risque : la menace croissante d’attaques de groupes islamistes radicaux de la région », pouvions-nous lire dans le Globe and Mail du 26 août.

 

Dans un rapport publié au mois de juin, le FMI déclarait que « les compagnies minières font remarquer qu’elles doivent hausser leurs mesures de sécurité parce qu’elles ne peuvent faire confiance à la police ou à l’armée de ces pays ». Quelles meilleures mesures de sécurité peuvent-elles espérer pour protéger leurs installations que des troupes fournies gratuitement par le gouvernement de Justin Trudeau, déguisées en « contribution canadienne au maintien de la paix » et coiffées des Casques bleus de l’ONU ? !

 

Lors de son intervention devant le Parlement canadien, le président Obama a déclaré : « Le Canada doit augmenter sa contribution à l’OTAN. » Il faisait savoir au gouvernement Trudeau qu’il y avait un prix à payer pour le privilège d’être reçu en grande pompe à la Maison-Blanche, comme l’ont été Justin Trudeau et son entourage, et à accueillir le président des États-Unis dans l’enceinte du Parlement canadien.

Stratégie américaine
 

La future mission canadienne en Afrique s’inscrira de toute évidence dans la stratégie américaine dans cette partie du monde. Le site Internet The Intercept vient de révéler, à partir de documents militaires américains obtenus en vertu de la loi d’accès à l’information, que l’armée américaine construit présentement, au coût de 100 millions de dollars, une base pour les drones à Agadez, au Niger. C’est le plus important investissement militaire américain en Afrique.

 

De même, le gouvernement Trudeau a accepté d’inscrire dans la révision de sa politique étrangère la participation du Canada à un futur bouclier spatial américain au-dessus du sol canadien. Le premier ministre Paul Martin avait rejeté une telle coopération.

 

Mais là où l’assujettissement du gouvernement de Justin Trudeau aux politiques de Washington est le plus révélateur, c’est dans l’envoi d’un bataillon de 1000 soldats canadiens en Lettonie, dans le cadre du déploiement des forces de l’OTAN en Pologne et dans les pays baltes.

 

L’OTAN justifie cette intervention par la crainte d’une intervention russe dans ces pays sur le modèle de ce qui s’est produit en Ukraine. Ce qui est fort improbable. L’intervention russe en Ukraine est survenue quand l’OTAN et l’Union européenne ont encouragé l’Ukraine à abandonner son statut de pays non-aligné et ses liens historiques avec la Russie pour devenir un partenaire européen.

 

En fait, c’est comme si le Mexique décidait de rompre les liens avec Washington et invitait les troupes russes à s’installer en permanence sur le sol mexicain. On connaît déjà la réaction américaine puisque nous avons eu l’exemple de Cuba.

Provocation
 

Dans son livre My Journey at the Nuclear Brink (Stanford Security Studies, 2015), William J. Perry, qui a été secrétaire de la Défense dans le gouvernement américain de 1994 à 1997, raconte que, lorsque le secrétaire au Département d’État Richard Holbrooke a proposé au président Clinton d’étendre la sphère d’influence de l’OTAN en y incluant la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et les États baltes, un groupe de 50 proéminents leaders américains, provenant à la fois des milieux conservateurs et libéraux, ont signé une lettre adressée au président Clinton s’opposant à l’expansion de l’OTAN.

 

Ils voyaient dans cette expansion une provocation qui compromettrait les progrès réalisés alors dans la réduction des arsenaux russes et américains de missiles de longue portée et d’armes chimiques, dans le cadre de l’accord SALT II.

 

L’année 1996 a constitué un tournant dans les relations américano-russes. Perry fut le seul membre de l’administration Clinton à s’opposer à la décision du président Clinton d’accueillir dans l’OTAN la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Plus tard, George W. Bush poursuivit cette expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie.

 

Contrairement à son fils Justin, Pierre Elliott Trudeau a déployé en son temps beaucoup d’efforts pour doter le Canada d’une politique étrangère qui ne soit pas complètement inféodée à la politique américaine, en reconnaissant Cuba et la Chine et en soignant ses relations avec la Russie.

 

En 1969, en pleine guerre froide, il a même envisagé de suivre l’exemple du général de Gaulle et de sortir de l’OTAN. Finalement, il retira de l’Europe la moitié des forces canadiennes qui y étaient stationnées.

 

En 1983-1984, Trudeau père mènera une initiative de paix auprès des dirigeants de plusieurs pays de l’Est et de l’Ouest pour les persuader de négocier la réduction des armes nucléaires afin de diminuer les tensions causées par la guerre froide. Cette initiative lui vaudra le prix Albert-Einstein. Trudeau père n’a pas craint de s’opposer au président Nixon. Trudeau fils s’est fait enfirouaper par le président Obama.

 
 

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