En moins de 24 heures et trois apparitions médiatiques, Robert Ménard pratique l’enfumage. A-t-il fiché les enfants musulmans des écoles publiques de Béziers ? Hier, c’était oui. Aujourd’hui, c’est non.
Lors d’une conférence de presse, mardi 5 mai, à l’hôtel de ville, l’élu affirme, haut et fort, qu’il « n’y a aucun fichier, aucune fiche informatique en mairie de Béziers ». Le maire d’extrême droite de Béziers balance, sûr de lui, que « cette polémique a au moins le mérite de relancer le débat sur les statistiques ethniques ». Et rétorque : « La gauche n’a aucune leçon à me donner ». L’art d’entretenir le flou et de déplacer le « débat ».
Pour comprendre les variations de Robert Ménard, élu grâce à son alliance avec le Front national, il suffit de revoir, dans l’ordre chronologique, les sorties du maire biterrois.
# Lundi soir : l’aveu de Robert Ménard
Selon Robert Ménard, invité de l’émission « Mots croisés », lundi 5 mai sur France 2, deux tiers des enfants de Béziers sont de confession musulmane.
Forcément, une statistique aussi précise n’est pas passée inaperçue. « Robert Ménard dit qu’il y a 64,9% d’enfants de confession musulmane à Béziers. Mais il les tient d’où, ces statistiques ? », interroge un internaute. Une question qui est reprise par l’un des chroniqueurs de l’émission.
Le maire de Béziers répond sans sourciller :
Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Les prénoms disent les confessions, il ne faut pas nier l’évidence. Je sais que je n’ai pas le droit, mais on le fait. »
Ce qu’il faut comprendre ? Robert Ménard avoue donc qu’il existe, à la mairie de Béziers, des « chiffres » et qu’il possède les noms des enfants.
Il s’agit là de statistiques confessionnelles. Elles n’ont rien à voir avec les statistiques ethniques, puisqu’une religion ne fait pas une origine. On ne peut pas être d’origine musulmane, ni catholique.
En France, il n’y a plus de données officielles relatives à l’appartenance confessionnelle sur le territoire métropolitain, sauf en Alsace-Moselle, où est en vigueur le Concordat, depuis le recensement de 1872.
# Mardi matin : le début de l’embrouille
La mairie de Béziers réagit vivement mardi matin et affirme n’avoir « jamais constitué de fichiers des enfants scolarisés dans les écoles publiques de la ville ». Elle souligne toutefois qu’il existe un « fichier recensant les élèves des écoles publiques de la ville [réalisé par] l’Education nationale ».
En revanche, la mairie ne dit rien sur le fait que Robert Ménard aurait pu consulter un tel listing d’élèves pour réaliser ses propres statistiques en se basant sur les prénoms des élèves.
Invité de BFMTV/RMC mardi matin, le maire de Béziers commence à déminer le terrain. A la question « est-ce que vous comptabilisez les enfants en fonction de leur confession ? » Robert Ménard change de discours : « J’essaye de savoir la vérité ». Nouvelles questions : « Comment faites-vous ? Comment la ville s’organise ? Vous avez des listes des enfants qui vont à l’école ? » Et là, Robert Ménard botte en touche : « Vous venez au centre pénitentiaire de Béziers, et vous verrez combien il y a de gens qui sont d’origines maghrébines ou d’Afrique noire ».
Mais le maire de Béziers lâche tout de même :
Nous n’avons établi aucune liste, nous avons essayé de savoir ce qu’il en est dans les écoles. Les deux tiers des enfants qui fréquentent les écoles publiques en maternelle et en primaire sont des enfants issus de l’immigration. Je trouve que c’est trop. »
Ce qu’il faut comprendre ? C’est le début de l’embrouille.
La maire de Béziers vient à la rescousse de son maire. Elle affirme qu’il n’y aucun fichier des enfants scolarisés dans la ville. Elle fait valoir que le seul fichier qui existe est celui de l’Education nationale. Par contre, elle ne précise pas comment Robert Ménard a pu sortir un pourcentage aussi précis : les 64,9 % d’enfants de confession musulmanes.
Le maire de Béziers, lui, ne veut même pas répondre à la question. Pour mieux couler la polémique qui est en train de naître, il préfère évoquer l’origine ethnique des prisonniers du centre pénitentiaire de Béziers.
Il assure n’avoir établi aucune liste mais affirme que « deux tiers des enfants » qui fréquentent les écoles publiques en maternelle et en primaire, qui sont prises en charge par la mairie, « sont des enfants issus de l’immigration ».
Robert Ménard se contredit et change même la nature de sa statistique. Ce ne sont plus des enfants de « confession musulmane », mais des enfants « issus de l’immigration ». Pour mieux faire oublier ses propos de la veille.
# Mardi après-midi : la contre-attaque de Robert Ménard
Alors que quatre officiers de police perquisitionnent la mairie de Béziers, Robert Ménard donne une conférence de presse dans son bureau. L’élu, visé par une enquête, réaffirme qu' »il n’y a pas de fichage » des élèves.
Robert Ménard précise qu’il réserve à la justice ses explications sur la méthode employée pour aboutir au chiffre de « 64,6% » d’élèves de confession musulmane. « La gauche n’a aucune leçon à me donner ».
« Cette polémique a le mérite de relancer le débat sur les statistiques ethniques », lance le maire d’extrême droite. Il rappelle, certain de son effet, que le Premier ministre Manuel Valls, alors député-maire d’Evry, avait annoncé fin 2009 son intention de déposer une proposition de loi allant en ce sens. Et renchérit : « Quand Martine Aubry affirme qu’il y a 35% de Maghrébins à Lille et que c’est génial, elle le sait comment ? »
Ce qu’il faut comprendre ? Robert Ménard contre-attaque pour mieux déplacer le débat. Le maire d’extrême droite évacue d’un coup la question sur sa méthodologie pour aboutir au chiffre bien précis des « 64,9% ».
Robert Ménard s’en prend à « la gauche », faisant croire que seule cette famille politique s’en prend à lui. Robert Ménard oublie que la droite condamne aussi, si elles sont avérées, les « méthodes » du maire de Béziers.