De fugueuse à victime d’un présumé proxénète

MONTRÉAL – En quelques années après une fugue d’un centre jeunesse, une adolescente serait tombée sous les griffes d’un proxénète. Et si l’histoire ressemblait à un conte de fées, elle a ensuite déchanté, a-t-elle témoigné ce lundi au procès du «pimp» allégué.

«Je lui demandais d’arrêter de me frapper ou bien de me tuer, de me jeter du neuvième étage», a expliqué Cynthia (nom fictif), pour expliquer comment sa situation s’était dégradée avec le temps.

Pourtant, quand elle a rencontré Jean-Jerry Brun dans un bar du centre-ville de Montréal quelques années plus tôt, leur relation ressemblait à un conte de fées. Ils allaient au restaurant et rêvaient de s’acheter une maison, a raconté la femme maintenant dans la jeune vingtaine et dont l’identité est protégée par la cour.

«C’était parfait, on était comme tous les couples qui viennent de se former», a relaté Cynthia, mentionnant qu’ils avaient fêté ses 18 ans ensemble.

C’était tout un changement pour la jeune femme, qui a vécu en famille d’accueil avant d’être placée en centre jeunesse à 15 ans. Il s’en est suivie une fugue et deux ans plus tard, quelques mois avant de rencontrer Brun, elle a commencé à danser.

Chute

Mais sous l’influence de Brun, a-t-elle témoigné, elle s’est mise à faire des «extras».

«Je venais de commencer à danser, je ne savais pas ce que ça voulait dire», a-t-elle expliqué. Et à sa grande surprise, elle a dû commencer à «mettre l’argent sur la table», c’est-à-dire de tout donner au proxénète allégué.

«Je devais donner tout ce que je gagnais, a expliqué Cynthia. Je pensais que c’était pour économiser pour acheter une maison, pour avoir une vie ensemble.»

Sauf qu’elle a ensuite découvert que Brun gaspillait tout l’argent au casino, alors qu’elle se promenait de club en club au Québec et en Ontario, six jours par semaine, allant jusqu’à se prostituer sous les ordres de l’accusé, a-t-elle dit.

Traitée «en chien»

À quelques reprises, Cynthia dit avoir été battue. D’abord des claques, puis des coups de poing «comme on frappe un homme», a-t-elle dit. Une fois, les coups auraient volé devant le jeune enfant de Brun. Une autre fois, elle aurait même été forcée de dormir sur le plancher.

«Je me sentais comme un chien en cage, a témoigné Cynthia. J’en ai eu des situations dans ma vie, et c’est la première fois qu’on m’a fait ça.»

Elle aurait même dû se faire avorter contre son gré, puisque Brun l’aurait menacé de la «frapper au ventre» si elle ne pliait pas à sa demande. Une autre fois, il l’aurait forcée à coucher avec un autre homme, devant lui, car il était convaincu qu’elle l’avait trompé.

«Je pleurais, je lui suppliais de ne pas faire ça, a-t-elle expliqué à la cour. Lui me disait que c’était pour voir si j’aimais ça le tromper.»

Climat de peur

Mais contrairement à la première plaignante qui a témoigné il y a quelques semaines, Cynthia affirme ne pas avoir été frappée régulièrement. Car dès qu’il levait le ton, la jeune femme comprenait ce qu’elle risquait et partait «travailler» pour «lui faire plaisir».

Malgré tout, Cynthia affirme avoir été battue à plusieurs reprises. Ce qui ne l’empêchait pas de rester avec son proxénète.

«Il réussissait à me convaincre qu’il n’allait pas recommencer, et je lui pardonnais. Il a réussi à m’embarquer et à me manipuler.»

En 2013, exaspérée par la situation, la femme a déménagé en Europe quelques mois, mais là encore, Brun aurait gardé une certaine emprise sur elle. De plus, comme il avait accès au compte en banque de Cynthia, il ne se serait pas gêné pour se servir.

Jean-Jerry Brun, 37 ans, fait face à 22 accusations en lien avec le proxénétisme et la traite de personne, mais aussi d’agression sexuelle et de voies de fait causant des lésions.

Il a été arrêté en mars 2013, après avoir été berné par une agente double. Selon le témoignage de cette dernière, en une heure à peine après leur première rencontre, le présumé proxénète lui aurait proposé d’aller danser en Saskatchewan.

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