Depuis qu’elle a porté plainte contre le maire Lejeune, à l’été 2013, Caroline Lamarre n’est plus à l’emploi du bureau municipal de la petite localité de la Côte-Nord, où elle côtoyait l’accusé tous les jours dans le cadre de leurs fonctions respectives. Sans titre précis, Caroline Lamarre était en quelque sorte l’adjointe au directeur général du village, en plus de recevoir les citoyens à la réception.
Denis Lejeune a été reconnu coupable d’un chef d’agression sexuelle en juillet 2015, pour avoir pris à deux reprises les seins de la victime, mais la législation actuelle lui permet de demeurer en poste puisqu’il n’a pas reçu de peine d’emprisonnement, plutôt une probation de deux ans. Rappelons que Lejeune, qui a aussi été acquitté d’un chef d’harcèlement sexuel et d’un autre chef d’agression, a fait appel du verdict.
L’interdit de publication a été levé vendredi par la Cour supérieure. Mme Lamarre peut maintenant faire connaître sa situation et faire valoir ses droits sans violer cet interdit, a indiqué Me Steve Bargoné, procureur du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui a plaidé la cause.
«Madame a été agressée sexuellement par le maire. Elle perd sa job, le maire est reconnu coupable et il garde sa job. On a beau me dire que ça respecte la loi, il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans, souligne Me Bargoné, en entrevue téléphonique avec Le Soleil. C’est une hérésie dans l’application de la loi, ça ne fait aucun sens.»
Caroline Lamarre, mère de cinq enfants, a reçu pendant deux ans des prestations de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) afin de compenser la perte de son emploi, prestations qui ont pris fin en juillet 2015. Elle ne peut réintégrer cet emploi en raison des limitations accordées par cette même CNESST, soit que Denis Lejeune ne peut se trouver sur son lieu de travail.
«La municipalité aurait pu essayer de l’accommoder d’une manière ou d’une autre, mais ça n’a pas été fait. Mme Lamarre trouve très injuste de devoir se trouver un emploi ailleurs, dans une municipalité de 500 habitants, alors qu’elle avait un travail qu’elle aimait. Pourquoi est-ce à elle de payer ?», a enchaîné l’avocat du SCFP. Baie-Trinité se trouve à près de 100 kilomètres à l’est de Baie-Comeau.
Steve Bargoné a également hâte de voir l’évolution du projet de loi 83, qui porte principalement sur les règles du financement municipal, mais qui entend aussi relever le niveau éthique des élus. Si le projet de loi est adopté, les maires reconnus coupables d’une infraction criminelle seraient aussitôt destitués. Me Bargoné se demande si ce dernier amendement sera rétroactif, ce qui pourrait ainsi permettre à Caroline Lamarre de retourner au bureau municipal de Baie-Trinité.